Avant-propos

Cet édito a pour but de pointer du doigt les dérives de l’évangélisme ainsi que les problèmes qui lui sont propres. Vu que l’évangélisme n’est pas soumis à un dogme strict et unique – contrairement à d’autres groupes religieux dont les témoins de Jéhovah – ce texte vise surtout les évangéliques fondamentalistes. Je voudrais aussi préciser que tout les chrétiens évangéliques ne sont pas des fondamentalistes religieux en tant qu’individus, mais que ce mouvement pose tout de même d’énormes problèmes politiques. 

L’évangélisme, c’est quoi ?

Dans la plupart des pays démocratiques modernes, la critique de la religion n’est plus vraiment d’actualité nos sociétés étant aujourd’hui relativement sécularisée. En revanche, à côté du développement de l’irreligion et du lent déclin des religions traditionnelles du monde occidental et d’Asie de l’Est, on note, pourtant, la croissance du nombre de fidèle de deux groupes religieux : l’Islam sunnite et le Christianisme évangélique. L’Islam, religion née au VIIe siècle dans la péninsule arabique, est assez bien connue du grand public – ou en tout cas les gens en ont une vague idée – et les critiques à son encontre sont nombreuses. A l’opposé, le christianisme évangélique est, quand à lui, assez méconnu et les textes critiques à son sujet sont assez rares. Comme aucune idéologie, ni aucune religion n’est dénué de défauts, vous verrez que le christianisme évangélique a lui aussi son côté sombre. 

Tout d’abord, il faut savoir que le christianisme évangélique (où évangélisme) est une branche du christianisme protestant qui trouve à la fois ses origines dans la réforme protestante du XVIe siècle et dans les mouvements de Réveil du XIXe siècle. Ce terme regroupe plusieurs courants dont le baptisme, le pentecôtisme, le mouvement charismatique & néo-charismatique et le christianisme non-dénominationnel. Dans la pratique l’évangélisme accorde, entre autres, une importance particulière à la « nouvelle naissance » par le baptême, le salut par la foi seule, la véracité et l’actualité des miracles et le caractère divin de la Bible. Cette communauté religieuse compte environ 600 millions de fidèles (surtout en Amérique et en Afrique) et est la religion qui connait la plus grande croissance au XXIe siècle.

Anti-intellectualisme et anti-science dans le mouvement évangélique

L’une des premières critiques qu’on peut adresser à l’évangélisme c’est son anti-intellectualisme. En effet, selon Mark Noll ou Martin Luther King, l’évangélisme, se basant surtout sur une lecture fondamentaliste de la Bible échoue à donner une explication concrète sur le fonctionnement du monde naturel qui serait soumis à Dieu, sur le fonctionnement des sociétés humaines ou encore sur les dangers et les bienfaits de la culture. En effet, difficile d’expliquer la dérives des continents, la théorie de l’évolution en se basant uniquement sur la Bible. Cela se traduit, entre autre, par la grande hostilité des chrétiens évangéliques envers les thèses scientifiques n’allant pas dans le sens des écrits bibliques : près de 90% des évangélistes aux US se déclarent créationnistes Jeune-Terre, ils ne croient donc ni en l’évolution des espèces, ni au fait que la Terre ait 4,543 milliards d’années. Les créationnistes Vieille-Terre ne croient pas en l’évolution mais croient que la Terre a bien 4,543 milliards d’années comme le prouvent l’astronomie et la géologie, alors que les créationnistes Jeune-Terre sont plus radicaux car ils pensent que la Terre n’a que 6000 ans et a été créée le 23 octobre -4004.

Théologie de la prospérité

L’une des autres croyances évangélistes critiquable est la théologie de la prospérité aussi appelée “évangile de la prospérité”. Cette doctrine, très répandue aux Etats-Unis et en Afrique sub-saharienne, soutient que l’aisance financière est un signe de bonne santé spirituelle et que la pauvreté est une malédiction. Pour se prémunir de cette malédiction, il faudrait contribuer aux ministères chrétiens par la dîme et les offrandes, entre autres. Cette pratique est pointée du doigt, également par d’autres évangélistes, comme étant un business religieux. Les pasteurs prêchant la théologie de la prospérité sont aussi critiqués pour leur style de vie fastueux : jet privé, vêtements et voitures de luxe, grandes villas, etc.

Guérisons miraculeuses et simonie

Le christianisme évangélique et plus particulièrement le pentecôtisme ne met pas en doute les guérisons miraculeuses de la Bible et les croient toujours d’actualités. Cette croyance aux miracles permet donc certaines dérives, par exemple, certains charlatans font payer pour des promesses de guérison malgré l’interdiction biblique du marchandage des biens spirituels (Actes, VIII.9-21), ce marchandage de biens spirituels s’appelle la “simonie”. De plus, certains pasteurs aux Etats-Unis et au Nigéria déconseillent à leurs fidèles de faire confiance à la médecine et aux vaccins, prétextant que ces derniers sont destinés aux faibles de foi et que seuls une croyance forte et une confession positive pouvaient les protéger de la maladie. En 2019, au Cameroun, trois décès sont liés à cette position dans une église. Une petite recherche sur Internet permet de tomber sur d’innombrables vidéos de « résurrection miraculeuse » où « d’exorcisme » tournées dans les églises. Celle-ci sont souvent issus l’œuvres d’organisations où d’églises évangéliques, comme par exemple Emmanuel TV.

"Résurrection miraculeuseé Afrique du Sud
Le pasteur sud-africain Alph Lukau fait croire à ses fidèles qu’il ramène à la vie un homme présenté comme mort.


Thérapies de conversion et homophobie

Considérant que les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont un pêché, toutes les églises chrétiennes sont traditionnellement très hostiles à l’homosexualité. Bien qu’à notre époque la position de certaines églises commence à changer concernant les LGBT, on peut remarquer que certains mouvements évangélistes restent très hostiles dans l’avancée des droits LGBT – comme la Westboro Baptist Church par exemple – et sont très actif dans le domaine des thérapies de conversion. Notons que cette pratique est assimilée à de la torture psychologique et interdite dans plusieurs pays, a une efficacité très discuté et multiplierait le risque de suicide des « patients » qui y sont soumis, en particulier s’ils sont mineurs. La dangerosité et l’inefficacité de ces pratiques ont également été pointées du doigt par Alan Chambers, ex-président d’Exodus International, l’une des plus grandes associations évangéliques promouvant les thérapies de conversion.

Membre de la Westboro Baptist Church, église baptiste fondamentaliste. Sur les panneaux on peut y lire “les pédés damnent les nations” et “les avions s’écrasent, dieux rit”.

Plus grave encore, l’Ouganda subit le développement rapide du mouvement évangéliste et l’accroissement du pouvoir du lobby évangélique Born Again. Même Yoweri Museveni, président de l’Ouganda depuis 34 ans, s’est converti à l’évangélisme en 2008. En 2013, sous la pression du lobby évangéliste au sein du parti de la majorité, le Parlement Ougandais propose la peine de mort pour les homosexuels en 2013. Suite aux débats parlementaires, la peine de mort est remplacée par la prison à vie et la loi passe. Finalement, la loi est annulée pour des vices de procédure par la cour constitutionnelle. Notons que, bien que si le projet de loi fut invalidé par la cour constitutionnelle six mois après sa promulgation, l’explosion des violences LGBTphobe découlant de ces évènements fut particulièrement violente (augmentation de 750 à 1900 pour cent des incidents homophobes par rapport aux années précédentes) dans ce pays où les droits des LGBT ne sont toujours pas reconnus. En Ouganda, des militants pour la légalisation de l’homosexualité pouvaient être assassinés même avant la promulgation de cette loi.

Scott Lively, pasteur évangéliste, militant du Parti Républicain américain et théoricien d’un “complot homosexuel”. Il fut un soutient inconditionnel au projet de lois ougandais criminalisant l’homosexualité.

Justification « spirituelle » de la société technicienne et capitaliste

Certains auteurs chrétiens comme Robert Wauzzinski où Darren Grem ont pu reprocher à l’évangélisme d’être une forme de justification « spirituelle »  de la société technicienne et capitaliste, en utilisant les mêmes méthodes de propagande (musiques contemporaines, grands rassemblements) et en allant parfois jusqu’à faire la promotion des valeurs marchandes (simonie). Dans son livre, La parole humiliée, le théologien et sociologue anarchiste français Jacques Ellul écrit à ce propos :

« Puisque l’homme ne veut plus entendre la parole, agissons par des moyens de propagande : les « moyens audiovisuels », les expositions, les grands rassemblements dans lesquels la parole ne sera plus qu’un fond sonore ou un prétexte. Image de la foule, orchestration, projecteurs, et dans ce contexte, l’homme qui parle n’est lui-même qu’une image ; Billy Graham en était le parfait exemple. »

Le christianisme évangélique et la réaction politique

Même si le Christ plaidait pour une séparation entre la vie spirituelle et la vie publique – « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Marc, XII, 13-17; Matthieu, XXII, 21; Luc, XX, 25) – certains évangélistes se sont efforcés à appliquer leur compréhension des enseignements du christianisme à la politique, notamment par le biais d’une partie de la droite ultra-conservatrice, la droite chrétienne. De ce fait, aux Etats-Unis et au Brésil, certains évangélistes ont été en premières lignes dans l’accession au pouvoir de Donald Trump et de Jair Bolsonaro, ainsi que dans la promotion de positions sociétales réactionnaires : opposition au droit à l’avortement, de l’avancés des droits homosexuels, à l’euthanasie, à l’éducation sexuelle dans les écoles où encore à l’enseignement de l’évolutionnisme darwinien. 

Rappelons aussi que l’évangélisme est aussi pointé du doigt pour diverses affaires comme des affaires de détournements de fonds dans certaines églises, le prosélytisme, la croyance en la prédestination où la gestion silencieuse des cas affaires de viols et de violences domestiques commis par des pasteurs ou des membres d’églises.

Comme toutes les religions, le christianisme évangélique a aussi son côté sombre qu’on ne voit pas forcément du fait de sa présence assez peu visible en Europe. De plus, il ne faut pas oublier que nos sociétés laïques où les sciences et la philosophie ont en grande partie remplacés les dogmes religieux, sont dans une certaine mesure menacé par l’expansion virulente de certaines religions qui charrient, comme à chaque fois, un obscurantisme et une réaction séculaire. 

Annexes

Auteur/Autrice

À propos de l’auteur

Socialiste tiers-mondiste et étudiant en médecine. Passionné d'histoire et de philosophie politique.

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