Je vais vous proposer dans cet article de nous exprimer autrement, en remplaçant tous les pronoms personnels à la 3ᵉ personne par le pronom unique neutre “al” !
Ouais, je n’ai pas fait beaucoup durer le suspens.

L’intérêt du neutre

J’étais pas mal pour passer à un neutre en disant “il” pour tout le monde, parce que cette distinction n’a pas lieu d’être dans la langue française. Ça paraît quand même étrange de s’adresser différemment à une personne selon son genre. Ça nous semble naturel, certes, mais cette différenciation genrée est une construction historique. Ça paraîtrait arbitraire de s’adresser différemment aux gens selon leur taille. “ul” pour les petits, “ol” pour les grands. Ce n’est pas utile et on ne l’utilise que par habitude, parce qu’on nous l’a appris.

Ainsi, ça s’inscrit dans le maintien de la distinction de genre. On parle d’une manière différente des filles et des garçons, qui deviennent donc socialement 2 entités bien distinctes. Al ne s’agit pas de nier les différences sexuelles qui existent bel et bien, mais simplement de questionner leur pertinence dans nos rôles et rapports sociaux. Sûrement d’ailleurs que la différenciation genrée a eu son utilité dans l’Histoire, mais que ce soit le cas ou pas, ça n’en a plus aucune.

Suppression de l’accord féminin

Alors pourquoi ne pas privilégier de dire “il” et supprimer le féminin pour parler de femmes ? Le masculin s’apparentant à un neutre, là où le féminin est le genre grammatical qui s’en différencie. Alors dans le cas des pronoms “il” et “elle”, als nous apparaissent comme spécifiquement masculin et féminin. Pour les accords, cependant, quand al n’y a pas de marque de féminin, c’est neutre. Dire “elle est attentif” plutôt qu’”elle est attentive” ce n’est pas choquant. La suppression des accords féminins, ça permet de neutraliser la langue déjà. On n’accorde déjà pas avec l’auxiliaire avoir par exemple. On dit déjà “Elle a pris” et non pas “Elle a prise” sans que ça ne choque personne.

Problème du “il” neutre

Neutraliser la langue, c’est aussi une manière de remplacer, continuer, voire dépasser l’écriture inclusive. Je sais que quand j’ai commencé à en entendre parler al y a quelques années, je m’étais fait la réflexion que ce n’était pas terrible et renvoyait au féminin et au masculin là où al n’y avait qu’un neutre, les englobant sans distinction. On ne dit pas les auteurs, mais les auteur·ice·s ou auteur·e·s, pour auteurs masculins et auteurs féminins. J’étais assez dubitatif, mais je m’y suis fait parce qu’à l’écrit, ça n’est jamais qu’une contraction, une manière d’écrire plus vite en mettant en avant hommes autant que femmes et pas uniquement le neutre, qu’on associe plus volontiers au masculin. On ne fait d’ailleurs que rarement référence aux métiers associés aux femmes par ce neutre que j’idéalisais comme dénué de féminin. On va parler des infirmières par exemple. Dire les infirmiers ainsi se réfère directement aux hommes dans ce corps de métier. L’inverse est vrai si on parle des ingénieurs par exemple.

Pour parler neutre, un pronom neutre

J’ai même accepté “iel” pour les mêmes raisons (on en revient aux pronoms), comme contraction bien utile de “il”, “elle” et tous les autres. Mais c’est loin d’être parfait, d’abord à l’oral, parce que je trouve ça assez moche à prononcer et à entendre, de la même manière que beaucoup de contractions du même type (toustes, celleux, pour ne citer que les plus courantes). Dans ce cas précis du pronom, d’un mot aussi courant, les deux voyelles qui se suivent, ça manque de simplicité et même si ça peut être plus esthétique avec “ael” ou d’autres que je ne connaîtrais pas, je vois mal s’imposer un pronom à deux syllabes à l’oral et je me vois mal le dire.

Mais à l’écrit, aucun problème, puisqu’al est lu comme la contraction de “il”  et “elle”, non ? Rectification, j’ai un problème avec ça. Si je cherche à utiliser un neutre, ce n’est pas pour simplifier la langue, c’est bien pour virer la référence aux genres humains dans la manière de parler. Je pense que ça contribue à perpétuer la différenciation genrée, dont on peut bien se passer aujourd’hui. Je serais étonné que ça arrive de mon vivant, mais al va falloir qu’on anéantisse les genres, non pas en tant que concept, mais en tant que ce qu’als sont matériellement, des objets complexes, englobant des manières différenciées de se comporter et de se penser dans un groupe social, historiquement basées sur le sexe attribué à la naissance. Les genres se modifient donc au cours du temps, et que ce soit leur apparition, leurs évolutions ou leur disparition, on ne peut le penser que comme processus historique. La langue, dont les pronoms, peuvent contribuer à ce processus. C’est pour ça que je ne veux pas d’un “il” neutre. Impossible qu’historiquement, naturellement, même avec de la volonté, il devienne neutre. J’ai déjà essayé de l’utiliser, mais c’est tellement ancré chez moi le rôle du “il” que ce n’est pas concluant et que ça ne se fait pas remarquer. Un pronom neutre forgé pour, c’est l’affirmation concrète de l’existence du neutre.

En français, on aurait déjà le “ça” de neutre, mais comme le “it” anglais ou le “es” allemand, c’est surtout utilisé péjorativement quand il s’agit de désigner des personnes. Le “they” singulier anglais est déjà plus intéressant. Je propose donc, en me basant sur la sonorité de “il” et “elle” d’utiliser une voyelle suivie du son [L]. On pourrait alors avoir les sons suivants : ol, ôl, ul, oul, oil, enl, eul, œul, inl, onl, él. Le choix est large, mais certains sont longs et pas toujours très beaux. Le grand gagnant selon moi est, sans suspens, “al”. C’est court, seulement 2 lettres, facile à prononcer et utilisable à l’oral très facilement, parfois sans que votre interlocuteur s’en rende compte. “il va” ou “elle va”, on dira “al va”. Le pronom “al” a la délicatesse de pouvoir avoir une étymologie avec son “a” privatif, renvoyant à l’absence, de genre, ou plus spécifiquement à l’agenre dans ce cas. Voilà notre beau pronom neutre que je m’appliquerai à expérimenter et que je vous invite à utiliser.

J’ai trouvé ce tableau des pronoms en français, que j’ai modifié avec ma proposition. Libre à vous d’utiliser le “al” uniquement pour vous référer à des personnes. Ou si vous voulez l’étendre, comme je l’ai volontairement fait ici, à tous types d’objets. Je le conçois, c’est très étrange. Je pense plutôt continuer d’utiliser “il” et “elle” pour les objets. D’une table, je dirais qu’elle est en bois. On peut néanmoins noter l’existence des verbes défectifs comme pleuvoir, ne se conjuguant qu’à la 3ᵉ personne. Possible de dire “al pleut” plutôt que “il pleut” donc.

À noter que je ne propose pas de supprimer le genre des noms communs, dans leur ensemble. Alors le “al” peut enrichir la langue française. Vous référer à une table avec “Elle est tombée” est banal. “Al est tombé” lui donnerait un étrange caractère anthropomorphisé avec lequel pourraient s’amuser des auteurs. Étant attaché à la langue française, comme ça peut transparaître je pense dans mes paragraphes, j’ai jugé important de le noter.

Je ne cherche évidemment pas non plus à être prescriptif, alors faites comme bon vous semble. Choisissez, mais choisissez bien.

Cet article est une adaptation de ce fil : https://twitter.com/coco_alsticot/status/1475506956269936655?s=20

Auteur/Autrice

À propos de l’auteur

De retour des morts et happé par le lobby lgbt
Communisme friotiste et agenrisme dialectique historique Un pronom pour les gouverner tous (al/als)
@PCF
enjoyer

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