Une communauté qui n’a pas grand-chose de « communautaire »

Je réponds d’office à la question : je dirai que non. Actuellement, on ne sait pas s’il y a la même proportion de personnes homosexuelles ou atteintes de dysphorie de genre dans toutes les classes sociales, religions, cultures, etc car les études sur le sujet sont toujours déclaratives et le rapport à l’homosexualité est plus ou moins tabou d’un endroit à un autre. Cependant, on est certains que les homosexuels, bisexuels et transgenres sont disséminés partout, dans tous les milieux sociaux, tantôt cachés tantôt affichés au grand jour. Ils sont partout, ils sont dans les villes, dans les campagnes. Vu que ces gens sont disséminés parmi tous les groupes sociaux sans exception, ils n’ont pas de culture commune, pas de valeurs communes, et même pas d’intérêts communs.

LGBT et politique

Alors là vous allez me dire : « Bah si, ils ont un intérêt commun : l’abolition de l’homophobie ! » Sauf qu’en fait non, pas forcément. On a vu avec Léo Lefrançois, homosexuel qui vit à Levallois-Perret, qu’un homosexuel bourgeois pouvait tout à fait militer contre l’homophobie DANS SON MILIEU SOCIAL tout en DÉFENDANT L’HOMOPHOBIE ailleurs quand ça ne le touche pas. Dans l’extrait radio qui suit, par exemple, il explique qu’il ne faut pas que la police intervienne contre les agressions homophobes en banlieue (ni même contre les agressions tout court) car ce serait du racisme.

Fait-il donc un lien entre homophobie, criminalité et couleur de peau ? Drôle de raisonnement pour une personne de gauche. En réalité Léo Lefrançois a tout intérêt à critiquer l’homophobie dans la bourgeoisie des centres-villes qu’il fréquente pour ne pas être discriminé MAIS il a aussi intérêt à défendre le patriarcat des « racisés » des banlieues par clientélisme politique. Voilà un bel exemple de pourquoi je pense qu’il n’y a, à mes yeux, pas de réélle « communauté LGBT » sur le plan politique et social.

Mais alors, y a-t-il un lobby LGBT ? Je dirai aussi que non. Alors, si vous êtes un peu de droite conservatrice vous allez me dire que oui. Mais attendez, je m’explique. Ce que vous appelez un « lobby LGBT » n’est ni vraiment un lobby, ni vraiment si LGBT que ça. Un lobby, c’est un groupe de pression qui va défendre des intérêts économiques privés. On a des associations LGBT qui s’autoproclament représentantes des homosexuels, bisexuels et/ou des transgenres dont certaines vont vivre de leur militantisme et faire du socialisme bourgeois, et ça effectivement ça peut potentiellement être considéré comme un lobby si ceux-ci ont des intérêts économiques privés.

Selon Karl Marx et Friedrich Engels dans Le manifeste du parti communiste, le socialisme bourgeois est défini comme suit :

« Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux anomalies sociales, afin de consolider la société bourgeoise. Dans cette catégorie, se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les gens qui s’occupent d’améliorer le sort de la classe ouvrière, d’organiser la bienfaisance, de protéger les animaux, de fonder des sociétés de tempérance, bref, les réformateurs en chambre de tout acabit. Et l’on est allé jusqu’à élaborer ce socialisme bourgeois en systèmes complets. »

Toutes les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transgenres ne se reconnaissent pas dans les nouveaux courants progressistes, notamment en ce qui concerne la Queer Theory. Pour les élections européennes de 2019, le magazine Têtu a commandé un sondage Ifop pour savoir quel était le vote des homosexuels, bisexuels et lesbiennes français. On y voit que leur vote n’est pas énormément différent de celui des hétérosexuels, surtout si on prend en considération la marge d’erreur des sondages et le fait que les lesbiennes votent un peu plus à gauche que les hommes gays (on peut imaginer qu’elles votent davantage pour des partis pro-PMA tant que la PMA n’est pas encore passée). En dehors du débat sur la PMA, être pro-LGBT est plus un label qu’autre chose pour les partis et les entreprises. Et ce label n’attire pas forcément les personnes homosexuelles ou transgenres, parce que ce n’est pas eux qui sont ciblés mais ceux qui se reconnaissent comme étant « progressistes », qu’importe leur orientation sexuelle.

LGBT et marketing

Au delà de ça, les trois quarts de ce que vous appelez « lobby LGBT » n’a pas grand-chose à voir avec les associations, ou alors seulement de manière très indirecte. En fait souvent, vous parlez des entreprises privées qui vont faire du « pinkwashing», c’est-à-dire s’afficher pro-LGBT par clientélisme.

Par exemple, quand Netflix met des homosexuels partout avec des sous-textes lourdingues ou quand les multinationales envoient une banderole à la Pride, ce n’est pas dans le but de rendre les gens homosexuels ou de modifier les lois. Il n’y a là ni propagande ni lobbying, c’est du pur marketing.

Ces décisions au sein des entreprises sont même souvent prises par des bourgeois parfaitement hétérosexuels. Alors vous allez me dire : « Ha oui mais c’est pour séduire les minorités sexuelles et avoir de nouveaux consommateurs. » Et vous y êtes presque. Le but n’est pas tant que ça de séduire les minorités sexuelles (qui je le rappelle sont dans toutes les classes, toutes les cultures et toutes les orientations politiques) mais de séduire les classes moyennes et la bourgeoisie de gÔche des centres-villes, consommateurs très importants. Vous savez, cette gÔche un peu bobo qui consomme beaucoup, et dont l’engagement politique passe souvent avant tout par un progressisme mondain et ostentatoire, une défense de la marginalité et un abandon progressif des questions économiques : ceux que Michel Clouscard appelait les “libéraux-libertaires”. Et ces consommateurs sont majoritairement des “progressistes” : des macronistes à Paris, des Democrates à New York, des bobos du SPD ou de Grüne à Berlin, etc. Donc pour ça on invente une communauté LGBT totalement fictive, inspirée d’une lutte très spécifique liée à la libération sexuelle aux Etats-Unis, et les entreprises n’ont plus qu’à prétendre défendre cette communauté fictive. Ça fait du progressisme à peu de frais. C’est un label. Bien sûr que ce marketing ne vise pas n’importe quel type de progressistes. Il ne vise pas le CGTiste lambda de la gauche dure mais vise plutôt le bobo qui a de l’argent et croit bêtement à l’engagement par la consommation. Parce qu’à la fin le but c’est d’aller dans le sens des courants politiques dominants chez les classes consommant le plus, car celles-ci se sont mises à croire qu’elles pouvaient influencer la politique par leur consommation.

Comme ça lorsque Jean-Bobo s’achète sa Volkswagen, il oublie qu’il est en train de soutenir l’industrie Allemande sur le territoire Français – puisqu’il oublie totalement la production dont il est éloigné, comme le soulignait Michel Clouscard – et il pense lutter activement contre l’HOMOPHOBIE.

Notons que cette stratégie marketing du label pro-LGBT ou féministe ne paie pas toujours. En fait, ça dépend de ce que vous avez à vendre. Si votre produit est destiné précisément aux populations majoritairement progressistes, il est évident d’essayer d’avoir le label pro-LGBT ou le label féministe (qui, je le rappelle, ne coûtent absolument rien). Mais si on prend l’exemple de Gillette, qui vise tous les hommes barbus peu importe leur classe sociale et donc peu importe leur idéologie – car l’idéologie est en grande partie liée à la classe sociale comme chacun sait – ils avaient perdu pas mal de clients aux Etats-Unis avec une pub pro-féministe.

Donc quand vous en avez marre de tout ce que vous appelez « propagande LGBT » du « lobby LGBT », dites-vous que derrière tout ça c’est des bourgeois et petits bourgeois progressistes souvent hétéros, et l’homosexuel du quotidien n’a rien demandé.

Lors de la saison des Prides c’est pas rare de voir des militants dire que les flics gays sont pas vraiment « LGBT » et devraient pas venir aux Prides car auraient trahi leur communauté depuis l’émeute de Stonewall aux Etats-Unis, une révolte d’homosexuels et transgenres contre les lois homophobes de l’époque. Quel rapport entre la France de 2020 et les USA de 1969 ? Pose pas de question. Certains radicaux étendent même cette exclusion aux homosexuels macronistes, sarkozystes ou lepénistes… sous prétexte que ce serait des cautions de la droite qui agirait contre leurs droits. Alors qu’ils représentent quand même une bonne partie des homosexuels, bisexuels et transgenres, je le rappelle. Par contre à l’inverse les hétérosexuels qui sont sur la ligne politique définie par la Police de la Pensée Autogérée peuvent être des « alliés » et ont même un drapeau.

Drapeau « allié hétérosexuel » sur achetergay.com.

achetergay.com est vraiment le meilleur exemple pour vous montrer que « LGBT » est devenu un label. Et comme je l’ai dit plus tôt, vu que ce sont les hétérosexuels progressistes qu’il faut viser (les hétérosexuels représentent 95% de la société donc 95% des clients), alors il faut tenter de les inclure dans cette communauté, même si on leur donne bien sûr une place de subordonnés. Être considéré comme un « allié LGBT » et se montrer comme tel, c’est une manière d’accroitre ses distinctions sociales à peu de frais dans certains milieux militants et/ou bobos.

Pourquoi les gens croient en la communauté LGBT ?

Chez ceux qui me soutiennent qu’il existe une communauté LGBT, il y a beaucoup de gens qui sont de milieux étudiants et/ou militants plutôt fermés. Ce renfermement idéologique et social d’une partie des jeunes de gauche (notamment étudiants) est de plus en plus critiqué, y compris par des gens de gauche eux-mêmes. À ce sujet, je revoie à l’excellent article La gauche cannibale de Rick Fantasia. Pour les plus radicaux, on a des militants qui s’enferment dans des bulles idéologiques sur les réseaux sociaux, à force de bloquer tout contradicteur et de ne suivre que des gens qui vont dans leur sens. C’est ce que décrit très bien Jean-Claude Michéa dans son livre Le complexe d’Orphée :

Conclusion

À la fin on a vraiment une communauté avec une ligne politique plus ou moins claire (on va dire « le progressisme » pris au sens large avec ses courants modérés et ses courants radicaux) mais vu que beaucoup d’homosexuels et transgenres en sont exclus et qu’on y fait entrer des hétérosexuels… à la fin ça n’a plus grand-chose à voir avec l’homosexualité et le transgendérisme.

Cette communauté fictive part des émeutes de Stonewall, qui sont entrées dans toute la mythologie militante états-unienne. Depuis, cette communauté ne repose sur plus rien d’autre que des symboles idéalistes, des associations qui pour beaucoup sont dans du socialisme bourgeois, et surtout une bonne part de marketing venant de grandes entreprises privées ou de partis politiques en quête d’électeurs.

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