A feu et à sang.
La guerre civile nous guette, citoyens. Ou tout du moins, certains aimeraient qu’elle soit proches de nous. Militaires patriotes nationalistes douteux ou passionné d’armes et inculte, nombreuses sont les figures (de droite) à appeler récemment à la violence pour rétablir le calme dans un pays qui, selon eux, se porte mal à cause de la gauche décadente.
La violence fait partie du climat politique aujourd’hui plus que jamais. Quand les conceptions même du monde s’affrontent, que les esprits s’échauffent, il n’est pas rare que certains en viennent au mains. Parfois, cela tourne au drame. Clément Méric et autres victimes de l’extrême droite en sont témoins. Parfois, ça tourne au ridicule.
Hier soir, je me suis donc lancé dans un débat sur twitter, histoire de perdre quelques points de QI. Pour la deuxième fois de la semaine, j’attaquais quelqu’un qui prétendait qu’une claque dans la gueule à un enfant trop turbulent, ça ne peut pas faire de mal si la situation est extrême. L’acte de frapper quelqu’un me répugnant, j’exprime donc mon dégout vis à vis de ces pratiques que je trouve barbares. L’usage de la force n’est pas à conseiller et ne doit servir que si l’ennemi n’hésite pas à vous massacrer. Qu’on soit clair, je ne suis pas un pacifiste extrémiste. Mourir sur une barricade pour demander la fin d’une insurrection et le retour au dialogue, très peu pour moi. Trop de passifs historiques démontrent que parfois, à vouloir trop refuser de répondre aux violences des, dénommons les en bon tradi gaucho, ennemis du peuple, on finit par perdre des luttes qui auraient pu changer la face du monde, la faute à un jusqu’au boutisme idéologique manquant cruellement du pragmatisme nécessaire à un changement, quel qu’il soit. Mais il n’est pas l’heure de pleurer sur le sort de nos camarades tombés au passé, je digresse. Twitter, 22h passés, et un jeune idéaliste qui s’oppose à un vieux briscard sur des questions d’éducations. J’exprimai alors mon dégout envers toute forme de répression physique adressée à un enfant, même si ce n’était qu’une petite gifle en réponse à une grosse bêtise. Surtout les gifles. Mes joues sont fragiles, en plus.
Aujourd’hui, après un petit rendez-vous médical et une injection de 5g qui me permet d’écrire cet article sans la moindre connexion au web, je retourne dans les méandres d’internet, et clique sur l’oiseau bleu. Et là, que vois-je?
Quelqu’un a giflé notre président.
Alors, dans la foulée, réaction des uns et des autres. D’abord, le janluk national. Pressé de faire oublier ses propos polémiques de la veille, il insiste sur la violence de la société. La gifle tombe à pic pour lui. Un homme, affilié apparemment à l’extrême droite que le président ne dénonce que trop peu, se permet de souffler le représentant de la France, apportant ainsi un argument de poids dans la campagne “anti Papacito” lancée deux jours auparavant.
Mélenchon ne s’est jamais caché d’une certaine aversion pour le gouvernement en place. Il a souvent, lui et la FI, défendu les débordements populaires, même si parfois un peu violents. La position qu’ils abordaient jusqu’alors et avec laquelle je n’étais pas en désaccord était la suivante: Le capitalisme opprime le peuple, le peuple montre son mécontentement. Il n’est jamais écouté quand il reste pacifique, donc parfois il craque. La violence du peuple est légitime si provoquée par le système, donc. Parfois cependant, les “casseurs de l’extrême” étaient décriés, pour leurs tentatives de décrédibilisation du mouvements, voire même accusés d’être des flics sous couverts.
Mais pas cette fois. Cette fois, la république était attaquée. Car la république, selon Mélenchon, c’est eux, c’est les élus. Ils représentent la France, et même si on n’apprécie pas leurs idées, les attaquer physiquement ne se fait pas, hein? Pas un commentaire sur le ras le bol du peuple qui peut pousser à claquer quelqu’un qui représente l’oppression du système.
Ben non, parce que le risque de polémique est trop grand, surtout dans la période qui court, et deux heures à peine après le dernier tweet accusant Papacito d’appel au meurtre, hein?
Alors certes, il y a une différence entre casser la vitrine d’une grande multinationale et s’attaquer physiquement à un homme. Mais la gifle infligée à macron visait elle l’homme ou l’institution représentée? Je vous laisse vous faire votre avis.
Ensuite viennent les réactions de la plèbe. De nombreuses blagues, et en général, un indignement général. Tout le monde ou presque, dans la foulée, s’indigne de la violence sociale et soutient notre cher président. Sauf quelques uns qui rient. C’est vrai qu’il n’est pas anodin de prendre une tarte à tain, encore moins par un croisé au look de hippie. Loin de moi l’idée de me moquer d’un physique, mais je doute que cet homme soit capable de tenir une épée bâtarde et de foncer sur l’armée du roi Edouard III, en criant un bon vieux “Sus à la perfide Albion!”.
Notre nouveau Du Guesclin n’a définitivement pas le physique de ses idées, comme diraient nombre de ses petits camarades. Mais bordel. Qui en 2021 crie “Montjoie st denis” avant une action politique? Un joueur de JDR? Un anarchiste, comme prétendu par un média (admirez le non sens)? Voire…
Un royaliste? En 2021? En France? Mais c’est pire que la poliomyélite ce truc, c’est un véritable herpès.
Dans une Ve république où la tête de l’état est très puissante, représentant les Français à l’étranger et le système dominant à l’échelle nationale, où ladite tête a un visage, celui de Macron, si personnifiée qu’on irait le gifler pour motifs politiques, être royaliste, c’est être pro système. Ou alors croire que les élections quinquennales peuvent changer de fond la politique de l’état. Dans les deux cas, c’est se rentrer le doigt dans l’oeil jusqu’à la scapula.
Je suis pas ultra bon en anatomie, mais ça doit quand même détruire une bonne partie du cerveau.
Finalement, la réaction du soufflé. Déjà, en live, Emmanuel Macron semble, en bon preux chevalier, vouloir en découdre. Réaction qui ne sera pas commentée, n’a jamais pris de gifle celui qui a tendu l’autre joue, on te voit, Jésus. Ensuite, on apprend dans la soirée que le président ne souhaite pas épiloguer sur l’affaire. Selon lui, l’homme représente une infime partie de la population, au mieux quelques centaines d’individus qui troublent l’ordre public, à moins que ce soient les SDF, je ne sais plus. En tous cas, ce n’est pas aujourd’hui que notre président va reconnaitre que la montée du fascisme qu’il provoque représente un véritable danger. Nevermind.
Mais cependant, il marque un point.
Je me souviens d’un été Hollandais, à l’époque où je n’étais qu’un collégien, où toute la gauche dans laquelle je baignais déjà s’amusait à se moquer de notre ex premier ministre désormais sur le retour (Ô, rage, ô désespoir, Barcelone m’a tout pris et n’a même pas gardé cet enfoiré…) parce qu’il avait reçu… une gifle. En bretagne, cette fois. Personne pour un trait d’esprit sur le Kouing Amman, mais une réaction plutôt tendue de notre premier Manu national, qui avait publiquement annoncé porter plainte. L’affaire s’était un peu étalée, et il s’était retrouvé avec un gros bâton dans les roues. A l’époque, personne ou presque ne l’avait défendu, mais il avait été fortement raillé, et le gifleur n’avait finalement que peu été décrié. Manu II, rassure toi, tu es plus aimé que le Ier.
Cette erreur de Valls s’inscrit dans une communication publique qu’il n’a jamais maitrisée, là où Macron sent venir le souffle (vous l’avez?) de 2022, et essaye de se rendre plus présentable. Dans la foulée de ses mesures récentes, pass jeunes, ou de sa vidéo avec les deux zygotos de Youtube, le président réagit calmement et passe outre sur une histoire qu’il espère bien vite oubliée.
Alors, comme dit plus haut, le contexte n’aide pas. La gauche ne pouvait pas applaudir un acte physique envers le président en condamnant les violences d’extrême droite, et la plupart des gens n’aiment pas la violence.
Ici, l’agresseur est ridicule, et l’ensemble de la scène est burlesque. Même Pocquelin, si il avait vécu à notre époque, n’aurait pas osé écrire un truc aussi grotesque. Mais la question est à se poser. Emmanuel Macron est un président arrogant, distant des besoins de son peuple, égocentrique et passerait pour beaucoup de nos amis prolétaires comme très mal élevé. Certains d’entre eux sont suffisamment vieux jeu pour estimer qu’une bonne tarte dans la gueule pourrait lui refaire son éducation, et je ne donnerais pas cher de ses joues si il allait se pavaner le samedi sur certains rond-points de France. On peut se demander comment auraient réagi la gauche à cette claque, si portée par un syndiqué ou un camarade ouvrier, tel un père qui giflerait son insupportable gosse après une mauvaise journée.
Je suis opposé aux violences parentales, même occasionnelles, mais je comprends tout à fait qu’elles puissent arriver dans des situations extrêmes. Il nous arrive tous d’être dépassés. Elles ne sont pas à légitimer ou justifier, évidemment, mais il n’est pas non plus interdit de se poser des questions, d’essayer de comprendre et d’expliquer.
Il fut un temps où, pour une claque au président, on aurait refusé l’union sacrée.
Frapper, c’est mal, mais écraser son peuple c’est pas mieux. Inutile pour autant de s’abaisser à ce niveau, mais il est humain, encore une fois, de craquer. De ne pas voir d’autres solutions.
Notre gifleur est aujourd’hui un clown d’un autre temps, mais il n’est pas exclu qu’il fasse des émules. Si cela se produit, les réactions de chacun pourraient être intéressantes.
En attendant, j’espère que les joues du président vont bien. Au vu de la force mise par Jean Louis d’Avignon, seigneur sans terres, qui fit là au passage un magnifique hommage au combat ridicule de la nuit passée, j’estime qu’il s’en remettra. Macron aime être au contact de son peuple, il l’a déjà démontré. La vision et la proximité ne le dérangent pas. L’odeur, par contre, pourrait nuire à sa toilette parfaite. Toilette parfaite qu’il ressortira probablement lors de son prochain bain de foule.
Et j’espère que cette fois, il n’oubliera pas… son fond de tain.