Fort de mon expérience sur Twitter j’ai pu à de nombreuses reprises être confronté en débat à des gens persuadés de l’idée selon laquelle la population caucasienne finirait à terme par être remplacée délibérément par une population issue de l’immigration extra-européenne. Cette idée très répandue traduit souvent la hantise d’un rapport de force numérique entre les natifs de France et les immigrés qui mettrait en péril l’identité nationale.

Leurs arguments sont toujours les mêmes : nous observons dans les métropoles cosmopolites un changement dans le taux de mélanine de la population, les prénoms les plus donnés en Seine-Saint-Denis sont à consonance musulmane, le nombre de mosquées sur le territoire national augmente depuis les années 80.

De grands exemples servent à donner du crédit à cette théorie. On pense notamment aux annonces d’État civil dans des grandes villes comme Marseille (oubliant le fait que cette ville a de tout temps été un haut lieu d’accueil et de circulation des peuples de la Méditerranée et qu’elle est depuis le XXe siècle, un microcosme particulier qui a subi le rapatriement des pieds-noirs puis l’immigration maghrébine des années 60 et 70) ou Paris (en faisant mine de ne pas comprendre le principe de ghettoïsation très fort en Île-de-France). Un autre exemple édifiant à première vue est la statistique selon laquelle les Britanniques blancs sont en minorité à Londres. Sauf que le phénomène ne peut pas s’expliquer par un submergement migratoire. Il semble que la population britannique blanche ait éprouvé depuis une décennie le besoin de se réfugier dans les zones rurales pour échapper à a hausse de la valeur immobilière londonienne. Ainsi près de 620 000 blancs ont “fuit” la ville depuis 2008. Une fois de plus les thèses identitaires se confrontent au réel puisque c’est une situation qui est à mettre avant tout sur le dos de sa situation de métropole mondialisée, de la politique libérale-communautaire typique du monde anglo-saxon et de la gentrification que connaissent tous les centres urbains occidentaux, gentrification dans laquelle les blancs assez riches pour aller s’installer dans des quartiers bourgeois ou qui ont des emplois permettant de vivre dans les campagnes gentrifiées avec un niveau de vie urbain sont les grands gagnants.

Curieux de ces affirmations fondées majoritairement sur quelques chiffres épars, des graphiques non sourcés, du ressenti et beaucoup de ressentiment idée m’a prise d’aller voir un peu la situation française vis-à-vis de l’immigration, de l’intégration des étrangers et des mobilités internationales au sens large du terme. Ce que j’y ai trouvé est loin du constat fait par les sphères identitaires et ne mérite a aucun moment le nom de remplacement. Laissons de côté un instant, les aspects idéologiques pour nous limiter aux faits.

En prenant les derniers chiffres de l’INSEE et de l’INED croisés on obtient 3,9 millions d’immigrés d’origine extra-européenne et 4 millions de descendants d’immigrés d’origine extra-européenne soit environ 11,8% de la population totale.

En lisant L’origine des systèmes familiaux d’Emmanuel Todd on apprend que le taux de fécondité en France est l’un des plus élevés d’Europe occidentale avec 1,9 enfants par femme. La présence des immigrés qui avaient un taux de 2,6 enfants par femme n’ajoutait qu’un peu plus de 0,1 enfant au taux de fécondité national pris dans son ensemble. Ce phénomène Il faut rajouter qu’il existe une forte sécularisation et une baisse démographique dès les deuxièmes et troisièmes générations par rapport à un changement de modèle familiale ce qui fait que les femmes qui sont fécondées  sont davantage celles qui sont arrivées sur notre sol depuis moins de 20 ans. Il me semble important de rappeler que l’immigration n’est pas un phénomène unilatéral. Ainsi 33% des immigrés tous pays confondus finissent par rejoindre leur pays natal. Donc déjà rien qu’en régulant nos frontières et en stoppant l’immigration clandestine on aurait la solution. Dans Les Luttes de classes en France au XXIe siècle, Emmanuel Todd dit :

“Par définition, les assimilés deviennent invisibles, ils sortent du champ d’observation, qui, du coup, est biaisé.” 

Puisque les lubies identitaires ne tiennent pas compte du critère de nationalité, il nous faut aussi voir le nombre de naissances d’un parent immigré. On trouve alors que 10% des naissances sont le fait de deux immigrés, 30% des naissances ont au moins un parent ou un grand-parent immigré et 60% des naissances n’ont ni un parent, ni un grand-parent immigré, une fois de plus les chiffres sont têtus et indique que rien ne permet de s’affoler et de se laisser aller à des thèses complotistes. D’autant plus que ce qu’oublie toujours de rappeler Damien Rieu et ses amis, c’est que la majorité des enfants et petits-enfants d’immigrés sont en fait d’origine espagnole, italienne ou polonaise, soit parfaitement blancs et souvent très bien assimilés depuis.

Rajoutons que l’évolution actuelle de l’Islam, dont on sait qu’il se sécularise lui aussi, fait que la population musulmane n’excédera toujours pas 10% en France en 2050. Par empirisme logique il nous suffit de regarder une promo de Polytechnique, de Sciences Po ou de l’ENA pour comprendre, tous les bourgeois qui y étudient sont blancs. Quoi qu’il advienne l’idée d’un grand remplacement qui irait jusque dans les hautes institutions est un fantasme. Dans le pire des cas cela créerait une société a deux vitesses où on aurait une importante population d’origine immigrée qui s’entasse dans les classes populaires de la société et des « français de souche » qui posséderont toujours les rouages du pouvoir avec des exceptions et quelques quotas.

Le monde change, s’intensifie et les individus se déplacent de plus en plus. Nous avons donc affaire à un phénomène structurel. S’il faut être conscient qu’il y a un tas de soucis en France (et que l’immigration massive en est un), heureusement il y a aussi un tas de solutions.

Déconstruire ce mythe tenace qui persiste depuis son évocation par Renaud Camus en 2008 ne doit pas non plus nous amener à considérer que la société française est idyllique, qu’il ne faut rien changer, que l’immigration est une chance pour la France et que tout va bien dans le meilleur des mondes. L’immigration massive crée du dumping social et met en concurrence les travailleurs, l’abandon du modèle assimilationniste et la remise en cause de l’État aboutissent au développement de communautarismes sur notre territoire. Mais ce n’est certainement pas en prônant une hypothétique réémigration et en affichant une haine raciale décomplexée que l’on règlera ces problèmes, bien au contraire.

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