Article co-écrit avec un camarade préférant garder l’anonymat.

Rencontres du troisième type

En octobre 2020, peu après l’assassinat de Samuel Paty par un djihadiste, la secrétaire d’État à la Jeunesse Sarah El Haïry a rencontré des jeunes de banlieue à Poitiers pour parler de laïcité et de religions. Cette rencontre a été organisée par la Fédération des Centres Sociaux. Ça s’est moyennement bien passé. Les jeunes se sont beaucoup plaints de discriminations, de prétendue « islamophobie » venant de l’État, de la loi 2004, etc.

Ces jeunes citoyens ont le droit d’avoir leur avis sur ces questions, et il est compréhensible que leur jeune âge rende leurs propos tranchés. Mais les articles relatent une anormale nervosité chez ces élèves. Et l’histoire ne s’arrête pas là.

La plupart des élèves ont refusé de chanter la Marseillaise, préférant mettre en avant leur rattachement à leur religion plutôt qu’à l’État français. Pour ceux qui sont convaincus que la Marseillaise n’est qu’un chant de guerre xénophobe, j’avais fait un thread sur le sujet :

Vous connaissez Samuel Grzybowski ? Oui, celui qui nous explique que c’est en luttant « contre l’islamophobie » qu’on lutte contre les islamistes. (On se souvient tous qu’on a battu le clergé réfractaire en luttant contre la cathophobie, bien sûr.)

Le papa de Samuel Grzybowski, dans la même veine idéologique, a écrit un article où il défend le discours victimaire, identitaire et communautariste récité par ces jeunes, malheureusement trop exposés aux discours réactionnaires et anti-républicains. Si vous ne voyez pas en quoi c’est réactionnaire de parler d’une prétendue islamophobie d’État et de faire passer sa religion avant le reste, je vous laisse lire l’article sur le CCIF écrit par mes soins qui relate l’émergence et le développement de cette idéologie.

Je concède cependant que la secrétaire d’État a parfois eu un discours hors-sol. Par exemple, elle balaie d’un revers de main les problèmes de racisme au sein de la police.
Extrait de l’article “À Poitiers, dialogue de sourd entre les jeunes et leur secrétaire d’État” de Laurent Grzybowski dans La Vie.

Même si je suis très critique quant aux discours anti-flics bas du front de Jean-ACAB et que je n’aime pas la criminalisation de tous les policiers, le racisme dans la police existe bel et bien, comme dans tous les corps de métier. Mais contrairement aux autres corps de métiers, dans la police les discriminations prennent une dimension beaucoup plus grave puisque le policier est le bras armé de l’État et a une grande autorité sur ses concitoyens. Ce discours tranché et sans concession sur des problèmes qui existent – et qui est même dénoncé par des professionnels du secteur – est maladroit mais aussi contre-productif puisqu’il laisse aux indigénistes le monopole de ce sujet, qui n’hésitent pas à dire n’importe quoi et à instrumentaliser des faits divers pour leur agenda racialiste. Pour le reste, Laurent Grzybowski reprend des témoignages d’élèves pour laisser entendre qu’ils sont persécutés et que c’est la laïcité et la loi 2004 qui créent des discriminations à l’égard des français de confession musulmane…

Extrait de l’article “À Poitiers, dialogue de sourd entre les jeunes et leur secrétaire d’État” de Laurent Grzybowski dans La Vie.

Hé oui les amis, il faut tout déconstruire sauf l’Islam.

Réactions de militants et de journalistes

Ces derniers jours, plusieurs journalistes de gôche (la sphère “inclusive” intersectionnelle et compagnie) font monter l’affaire en s’indignant qu’on ait maltraité ces pauvres jeunes en… leur parlant de laïcité et de liberté de culte ?

Autre exemple, la réaction d’un journaliste de Médiapart :

Et évidemment on a une réaction du grand Philippe Marlière : 

Pour ceux qui ne connaissent pas Philippe, c’est un sacré personnage qui il y a quelques jours dénonçait “l’endoctrinement à la liberté d’expression”. Si vous voulez rire, il y a le compte Twitter @SCMarliere qui relaie les meilleures perles de ce grand penseur.

Le tweet a été supprimé depuis, mais il est toujours trouvable sur archive.today.

Retour sur les faits : on finit par en apprendre un peu plus

Hadrien Mathoux, journaliste chez Marianne, enclenche un dialogue entre Laurent Grzybowski et la journaliste de La Croix, dont l’article – celui que nous avons cité plus tôt – est bien plus équilibré. On apprend dans cette discussion que la Fédération des Centres Sociaux revendique une “approche intersectionnelle”, fait passer la laïcité pour quelque chose de discriminant auprès des jeunes, et les incite à parler des discriminations religieuses qu’ils subissent.

Pour ceux qui viennent de se réveiller après cinq ans dans le coma, voilà où mène l’intersectionnalité quand elle est appliquée à un espace social :

Je vous laisse imaginer ce que ça donne si on applique ça dans un contexte français où une partie des « racisés » – que les intersectionnels fétichisent totalement – portent en eux une religion qui depuis les années 70 est de plus en plus influencée par des idéologues et militants réactionnaires. Concernant la réislamisation du monde arabe, je vous conseille de lire l’article de Saadia Radi qui se concentre sur le cas égyptien. Sur la réislamisation des sociétés musulmanes d’Afrique subsaharienne, je vous conseille de lire l’article de Maud Saint-Lary et Fabienne Samson. Et sur le milieu scolaire en France, Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général dans l’Éducation Nationale, a sorti un livre au sujet de la montée de l’islamisme en milieu scolaire : Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école.

Plus récemment, un sondage IFOP nous apprend que les français musulmans ont des positions plus conservatrices que les autres citoyens français, mais qu’en plus les jeunes musulmans sont bien plus conservateurs que leurs aînés.

Mediacités sort l’info comme quoi Sarah El Haïry lance une inspection sur la Fédération des Centres Sociaux, ce qui est compréhensible au regard des faits rapportés par La Croix et du déroulement de la rencontre.

Nassira El Moaddem, professionnelle de la victimisation et du mensonge par omission à des fins politiques, résume cette affaire comme ça :

Alors qu’en fait s’il y a une enquête ce n’est pas uniquement pour les propos des jeunes en soit mais parce que l’association est peut-être trop politisée pour une sortie scolaire. En France, le régime en place essaie toujours d’avoir le monopole du discours politique exposé aux élèves. On peut critiquer ça, on peut trouver ça conservateur ou autoritaire, chacun est juge et ce n’est pas mon problème ici. Mais ça fait depuis au moins la Troisième République que c’est comme ça. Rien de surprenant. Rétronews avait fait une série d’articles au sujet de l’histoire de l’école républicaine, mais malheureusement ils ne sont disponibles que pour les abonnés.

Avec Le Point, la droite intervient dans le débat avec une interview de la secrétaire d’État. Et on a des éléments importants en plus à prendre en compte. On apprend que cela faisait quatre jours que les jeunes travaillaient sur ces sujets avec la Fédération des Centres Sociaux, ce qui laisse supposer une certaine influence des adultes visiblement très orientés politiquement.

Extrait de “Sarah El Haïry : “La République n’est pas à la carte”” d’Olivier Pérou dans le Point.

On apprend aussi que les jeunes, malgré quatre jours de préparation, ont un discours parfaitement réactionnaire : clichés sur les journalistes, anti-blasphème, contre les libertés de la presse, favorables aux uniformes communautaires à l’école…

Extrait de “Sarah El Haïry : “La République n’est pas à la carte”” d’Olivier Pérou dans le Point.

Et Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers pour EELV, les encourage sur cette voie avec le fameux discours « contre l’islamophobie » que j’ai évoqué plus tôt. EELV est toujours là pour encourager des idées réactionnaires, même dans la tête de mineurs en pleine sortie scolaire. Si j’en crois Danièle Obono, députée de la France Insoumise du 17e arrondissement de Paris, le problème n’est pas qu’une association encadrant des jeunes fasse de la propagande réactionnaire, mais qu’une fonctionnaire fasse du « catéchisme républicain ».

Pourquoi est-ce que nous vous parlons de cette affaire ?

Vous me direz qu’après tout, ce n’est qu’une micro-polémique assez banale, sans faits de violence ou de harcèlement et il n’y aura probablement pas de suites. Et vous auriez raison. Mais cette petite affaire reste un symptôme : les jeunes musulmans sont de plus en plus conservateurs voire réactionnaires et que la gauche caviar, plutôt que d’opposer à ce conservatisme un discours de lutte des classes, les encourage dans des délires identitaires et réacs. Il est donc intéressant de la replacer dans un contexte global – systémique, diront certains – car elle permet d’illustrer beaucoup de choses que nous dénonçons depuis des années chez cette nouvelle gauche identitaire. Au ce sujet du rapport entre la gauche actuelle et les musulmans, je vous recommande chaudement l’interview de Nedjib Sidi Moussa sur Vice. Oui, Vice peut parfois sortir des articles intéressants.

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