Cette histoire se passe mi-juillet dans un bar de la butte Montmartre a 7€ la pinte où je suis allé boire des coups avec les copains. Je m’installe en terrasse de ce bistrot avec un pote, devant nous deux nanas discutent forts de l’actualité et plus précisément de Gérald Darmanin et de Black Lives Matter. Au bout d’un moment, comme ça arrive souvent dans les bars, je sais plus comment mais on finit par avoir une conversation.

Les deux sont étudiantes. L’une en théâtre et l’autre en Cinéma. Celle qui fait du cinéma, qu’on appellera “C.” et l’autre sera “T.” pour des raisons d’anonymat. C. nous explique tous les bienfaits d’un mouvement comme BLM sur notre société profondément patriarcale et raciste. T. abonde dans son sens. Je commence tranquillement à souligner qu’il ne me paraît pas super pertinent de calquer les maux de la société américaine sur la nôtre, que des différences majeures existent et que globalement une hiérarchisation des luttes me semblerait légitime.

C. est très surprise par mon propos et me dit que dans son entourage et sur ses réseaux sociaux, le bien fondé de ce mouvement en France ne se pose pas. Pour elle c’est une certitude totale et mon propos serait presque a la limite du racisme. Elle termine en me disant qu’elle est fan de photographie et a beaucoup de “followers” sur Instagram et que donc c’est “vraiment tout le monde”. Elle finit par me lâcher le mot clef : “après je suis particulièrement woke mais peut-être que toi pas encore…” Je suis béat. En dehors de Twitter des gens qui se qualifient de “woke“, je n’en avais jamais vu dans le monde réel !

Je montre patte blanche pour pouvoir continuer à débattre avec cette merveilleuse personne. Je lui explique donc que je suis aussi un homme de gauche que je sais ce qu’elle entend par woke mais que je suis assez sceptique sur la pensée intersectionnelle. Rapidement on sent qu’elle est perturbée que pour elle se dire gauche sans être woke c’est antinomique. Elle me dit : “mais toi t’en connais des gens de gauche qui ne cherchent pas être woke ?”

Je lui dis qu’autour de moi la plupart des gens de gauche sont issus de la tradition de pensée de la gauche historique et que sans nier l’existence d’un tas d’autres inégalités ethniques, sexuelles, etc… la source première de ces inégalités était avant tout l’inégalité matérielle et que le combat était à la structure même du capitalisme – et les systèmes qui l’ont précédé – qui repose sur l’exploitation des hommes et qui induit par la suite une hiérarchisation des êtres en venant créer une compétition entre exploités. En découlent alors les pensées racistes, sexistes, homophobes, etc qui justifient ou justifiaient des exploitations… En gros, une fois qu’on a séparé les capitalistes des prolétaires après le système se charge de créer des luttes intestines entre prolétaires pour nous empêcher de combattre la mère de ses inégalités qui est le rapport prolétaires/bourgeois.
Je me sens tout fier à ce moment là. Je me dis putain j’ai réussi a expliquer ma pensée avec un coup dans le nez, j’ai pas le sentiment d’avoir dit de conneries, j’ai pas trollé et je suis resté calme. Je me dis que je suis bon pour me lancer pour les présidentielles. C. me regarde sceptique et me lâche de but en blanc  : “Ha ouais mais t’es de la gauche chiante en fait.” La j’avoue que j’éclate de rire. Je ne m’y attendais pas. T. lui fait gentiment comprendre qu’elle voudrait que le débat se termine. Je leur dis donc que je vais pas les emmerder plus longtemps et je retourne picoler au comptoir.

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1 commentaire

  1. La lecture qui avance que ce serait l’exploitation des humains et sa hiérarchisation qui serait la source de certaines inégalités entre les sexes me semble juste. Seulement, avancer que toutes les discriminations découlent de cette exploitation et de cette hiérarchisation me semble insuffisant. Combattre le capitalisme ne suffira pas à endiguer toutes les formes de sexisme, notamment certaines violences sexuelles et certains harcèlements de rue, qui reposent sur un problème de compréhension et de respect de la notion de consentement (i.e le consentement ce n’est pas lorsque la personne ne dit pas non, c’est lorsqu’elle dit oui – sans contraintes, insistance ou manipulation bien sûr). J’ai regardé un peu votre site, et les lectures que vous proposez. Bien qu’il y ait des points intéressants dans “les bases sociales de la question féminine” ou “la lutte pour la libération des femmes”, je n’ai pas vu d’explication dans leur grille de lecture sur les mécanismes sous-tenants les violences/harcèlement sexuels (hors violences sexuelles des patrons sur les prolétaires – prenons l’exemple des violences sexistes et sexuelles d’un homme prolétaire sur une femme/des femmes prolétaires). Comment les expliquez-vous, quelle est votre théorie ?

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