Tout d’abord commençons par présenter le personnage : qui est Marion Maréchal ? Marion Maréchal est la nièce de Marine Le Pen et la petite-fille de Jean-Marie Le Pen. Elle s’est notamment fait connaitre à partir de 2012.
Dans ce contexte Florian Philippot et Marine Le Pen tentent de dédiaboliser le parti en s’éloignant publiquement de figures trop polémiques et en mettant en place un groupe de jeunesse (FNJ) qui présente bien et n’a pas l’air d’un groupe de skinheads. La ligne principale de Philippot et Le Pen à ce moment est de jouer sur l’euroscepticisme, et de faire des promesses sociales. Promesses sociales et euroscepticisme sur lesquels Marine Le Pen changera peu à peu après le départ de Florian Philippot et surtout après sa défaite au second tour de 2017.
À cette époque, la stratégie de Philippot et Le Pen consiste à s’éloigner de la droite dure de l’UMP et d’aller chercher l’électorat déçu par le PS ou ne votant plus PCF. Dans leur logique de dédiabolisation, ils se concentrent sur les sujets économiques – et sur l’immigration et l’insécurité, FN oblige – mais évitent les prises de position qui pourraient les faire passer pour des gens trop rétrogrades. Ainsi, ils ne prennent pas part à la Manif Pour Tous et les marinistes (ceux qui se rangent derrière Marine Le Pen dans les disputes internes au parti) seront critiqués les années suivantes par les partisans de la Manif Pour Tous.
En novembre 2012, une personne du clan Le Pen va tout de même rejoindre la Manif Pour Tous et s’y faire un nom : Marion Maréchal. Son but est plutôt de faire ce qu’on appelle aujourd’hui « l’union de la droite », c’est-à-dire d’aller chercher les conservateurs déçus de l’UMP – aujourd’hui LR – et de se servir de la Manif Pour Tous comme un mouvement syncrétique de cette droite qu’elle espère amener au FN.
Après sa défaite au second tour on a vu Marine Le Pen se chercher. En 2017 elle enterrait l’idée d’un frexit, dont elle parlait pourtant à peine un an avant, puis fin 2018 on l’a vu essayer maintenir timidement une ligne souverainiste-populiste pendant les gilets jaunes. Pendant ce temps, Marion Maréchal faisait la Convention de la droite, un congrès invitant les grandes figures de la droite dure et de l’extrême-droite, toujours dans cette volonté de faire du RN la principale force de droite, se rêvant comme un Republican Party à la française. Cette convention est loin des préoccupations des souverainistes ou des gilets jaunes. On y parle d’identité, d’opposition au « progressisme », et même des sujets économiques comme l’immigration sont traités en mettant l’accent sur l’insécurité et l’Islam. Et quand on traite sur un sujet sans évoquer son volet économique, on le dépolitise pour n’en faire que du débat moral et identitaire. Ce n’est pas très intéressant. La gauche a ses intersectionnels, la droite a Marion Maréchal. Son but est de lier les marinistes-philippotistes les plus souverainistes et antilibéraux avec la frange la plus conservatrice de LR qui sont plutôt européistes et libéraux, ainsi que d’attirer certains groupes qui gravitent à l’extrême-droite comme Génération Identitaire.
La stratégie peut se résumer comme suit : faire le lien entre les déclassés et les déchus de la mondialisation, et la bourgeoisie catholique traditionaliste. La pensée identitaire devient un outil pour gommer l’antagonisme de classe évident qui existe entre ces deux groupes. Il est donc hors de question pour elle de trop s’attarder sur l’économie ou l’UE, ce qui pourrait créer un clivage entre libéraux et protectionnistes et entre européistes et souverainistes au sein de cette droite que Marion Maréchal veut rassembler.
Ce que je dis sur les diverses stratégies du RN peut être corroboré par le témoignage de Julien Rochedy, ex-responsable du FNJ. Si je suis en absolu désaccord avec ses idées, son témoignage est intéressant pour comprendre le FN/RN depuis 2011.
Dans une interview chez Atlantico – dont est issu toutes les citations que nous allons commenter – Marion Maréchal revient sur le libéralisme de son grand-père Jean-Marie Le Pen qui s’autoproclamait le « Reagan Français ». Elle y parle du clivage au sein de la droite sur les questions économiques.
“C’est le cas sur le terrain économique. D’une certaine manière, la droite, par anti-communisme dans les années 1980, est devenue un peu le miroir inversé de ce qu’était la vision économique communiste et a eu tendance à rejoindre un logiciel qualifié communément d’ultralibéral, c’est-à-dire à tendre vers le principe du libre-échange généralisé comme vecteur de prospérité sans tenir compte de ses désavantages potentiels. Le principe de la privatisation et le modèle du privé comme meilleur gestionnaire en tout y compris dans le fonctionnement des services publics s’est imposé chez la droite dite parlementaire. Une autre fracture est née de là, même si elle n’existait pas au tout début d’ailleurs.
Il n’en demeure pas moins que la droite dite nationale a fait une sorte d’aggiornamento plus rapide que l’autre droite en assumant la possibilité d’un point d’équilibre différent entre le marxisme d’une part, l’ultralibéralisme d’autre part. La droite nationale s’est préoccupée plus vite de la préservation de notre souveraineté économique tout comme de la consolidation du rôle de l’Etat stratège ou des services publics. La droite nationale a aussi accepté le principe de la mise en œuvre de politiques protectionnistes ce qui s’est cristallisé aussi par une opposition frontale avec la droite classique sur la question européenne. Car derrière la question européenne, il y avait une vision économique d’inspiration plutôt ultra libérale ou a minima naïve vis-à-vis de l’impact pour un certain nombre de nos concitoyens de ce qui est devenu la mondialisation des années 2000.”
Mais elle en conclut… que ce sont des questions qui divisent inutilement la droite.
“Ce sont ces points d’achoppement qui ont empêché la droite de se réconcilier. Je pense qu’aujourd’hui ce phénomène est en train de changer. La question gaulliste est en passe d’être dépassée. Tout le monde est gaulliste, du coup plus personne ne l’est vraiment. Le gaullisme est devenu une espèce de qualificatif un peu insaisissable.”
Il est intéressant de noter que dans la stratégie de dédiabolisation initié par Marine et Philippot, l’apothéose de cette stratégie reposait sur le changement de nom du parti. Sortir de l’héritage familial et historique de ce qu’est le FN pour le faire entrer dans le XXIème siècle, pour le rendre instragrammable. Et cette union de la droite, elle se fait en considérant le clivage entre gaullistes et antigaullistes qui avait lieu au sein de la droite depuis Vichy (avec la guerre d’Algérie comme point culminant) comme étant un clivage dépassé. C’est une manière de nous faire oublier que le Front National a été fondé par d’anciens collabos, qu’un de ses fondateurs était Léon Gaultier l’Untersturmführer de la Division Waffen SS Charlemagne, et qu’énormément d’anciens de l’OAS y sont passés. L’OAS est une organisation terroriste d’extrême-droite qui militait pour la conservation de l’Algérie Française avec des méthodes très violentes. Cette organisation a fait environ 2000 victimes et a tenté d’assassiner le Général De Gaulle. Un passé gênant que Marine et Marion voudraient faire oublier.
Le clivage entre gaullistes et antigaullistes, c’est aussi un clivage entre libéraux et protectionnistes, et entre européistes et souverainistes, entre américanoserviles et patriotes. Ces sujets-là, Marion Maréchal veut aussi nous les faire oublier car elle et son parti ont toujours été du mauvais côté de l’histoire.
Plus on avance dans l’interview, plus Marion Maréchal dévoile son vrai visage. Elle nous dit que « la lutte des classes c’est la mort de la nation ».
“Une forme de lutte des classes s’est réinstaurée qui je trouve est absolument dramatique car la lutte des classes c’est la mort de la Nation. On ne mobilise plus les gens sur une vision commune de la société et de la Nation mais par rapport à leurs intérêts de classe, classe supérieure ou classe populaire.”
Elle a donc une vision idéaliste de la nation et fait du nationalisme un outil au service de la bourgeoisie, une bourgeoisie qu’elle aimerait traditionaliste. Et c’est hors-sol de penser la lutte des classes comme quelque chose qu’on pourrait éviter. En réalité la lutte des classes aura toujours lieu tant qu’il y aura des classes et si les prolétaires ne se mobilisent pas, la bourgeoisie sera toujours hégémonique dans cette lutte. Le seul nationalisme qui ait du sens, c’est un nationalisme « de gauche », c’est-à-dire un souverainisme qui défend le prolétariat français face à la bourgeoisie locale comme apatride, à l’Union Européenne, à l’OTAN, à l’impérialisme économique et culturel états-unien, etc.
Et pour finir, Marion Maréchal prône ouvertement le libéralisme, la baisse des « charges » sociales des entreprises ainsi que la réduction des dépenses sociales.
“Sur la question économique, je pense que l’on peut tout à fait défendre une forme de libéralisme entrepreneurial dans un cadre national préservé des excès de la compétition internationale. C’est là où à mon avis il y a un point d’équilibre à trouver qui peut rassembler une partie des électeurs de droite ayant voté Macron avec ceux de la droite populaire. Moins d’Etat à l’intérieur des frontières, plus d’Etat à l’extérieur, c’est la vision qui peut réunir des droites divisées.
Une fracture peut-être plus difficile à dépasser est celle qui s’est installée entre la France du public et la France du privé. Car il n’y aura pas de redressement de la France sans que nous soyons capables de rendre nos entreprises plus compétitives. La réponse est à la fois macroéconique et microéconomique. Comment baisser les charges qui pèsent sur les entreprises si nous continuons à entretenir voire à développer une bureaucratie, notamment une fonction territoriale obèse ? Comment continuer avec un Etat social qui par le poids qu’il a atteint (environ 700 milliards d’euros par an) est en train de rogner à la fois l’Etat régalien et l’Etat stratège en annihilant toutes nos marges de manœuvre budgétaires ? Nous ne pourrons pas échapper à ces choix. Soit nous voulons un Etat nounou -avec toute l’administration qui va avec- et qui distribue des chèques à tout va, notamment aux populations issues de l’immigration et dans ce cas-là, il ne faudra pas se plaindre d’avoir moins de stratèges et moins d’Etat régalien. Soit on réduit l’Etat social notamment par les marges de manœuvre que nous pourrions regagner sur la question migratoire et de la fraude sociale.”
Ce n’est pas comme si 90% de la droite proposait la même chose, alors que ça fait bientôt 50 ans qu’on applique le même remède et que les maux empirent. La seule différence est qu’ici on vous met une petite dose de discours identitaires mal ficelés pour faire passer la pilule. Elle dit aussi qu’elle veut faire des économies en luttant davantage contre la fraude sociale… mais ne dit rien sur la fraude fiscale de sa propre classe sociale, la bourgeoisie, qui représente 20 fois plus d’argent.
Marion Maréchal parle ensuite de la casse des services publics. À votre avis, selon elle quelle est la cause de la casse des services publics ?
1. Le libéralisme économique qu’elle vient de prôner ?
2. Les immigrés.
Et la réponse était… les immigrés !
“La demande de protection dont vous parlez est légitime. Elle passe aussi par les services publics et la qualité des services publics. Or aujourd’hui, la qualité et la présence de ces services publics sont remises en cause notamment par les largesses de l’Etat social vis-à-vis de l’immigration. Ce sont précisément ces largesses qui ont mis à l’os le service public comme elles ont mis à l’os les services régaliens qui assurent la protection des Français au quotidien. Comment s’étonner ensuite que l’Etat ne réponde plus aux attentes légitimes de la France périphérique ? Quand il n’existe plus de service de transport bien réparti, efficace et, quand vous n’avez plus un service hospitalier assurant un maillage raisonnable territoire, vous n’attirez plus d’emplois dans un certain nombre de zones et vous augmentez donc les mouvements de population vers les métropoles tout comme vous augmentez la désespérance.”
Bien évidemment je suis contre la dérégulation des flux migratoires voulue par le MEDEF, mais mettre l’immigration au centre de tout et n’importe quoi tout en minorant le rôle des politiques économiques libérales dans nos problèmes, c’est prendre les français pour des idiots. Ensuite elle parle du manque d’assimilation de certaines populations issues de l’immigration. Elle nous explique que « la machine de l’assimilation est cassée ». À ce moment je vous avoue j’ai cru qu’elle allait parler de la casse de l’Éducation Nationale notamment dans les communes les plus pauvres, mais en fait non… Elle nous parle juste de trucs civilisationnels flous avec des mots-clefs mis bout à bout.
Plus loin, même le journaliste d’Atlantico – qui est quand même un média de droite libéral – lui tend des grosses perches sur l’Éducation Nationale, mais elle répond complètement à côté de la plaque.
Vouloir faire refonctionner l’assimilation tout en plaidant moins de services publics tout au long des questions sur l’économie… c’est pas tellement viable. Donc quand on lui en parle, elle brode avec de la langue de bois. Elle nous explique aussi que si l’assimilation ne marche pas, c’est qu’il n’y a plus grand-chose à quoi s’assimiler et qu’il faudrait commencer par défendre notre culture. À ce moment, j’ai cru qu’elle allait critiquer l’américanisation culturelle et la culture de masse. Mais en fait non… Elle reste dans la droite lignée de l’histoire du parti : expliquer que le problème est encore et toujours, les noirs et les arabes. Sans le mentionner, on est plus en 80, mais toujours le sous-entendre.
Et évidemment elle nous explique qu’elle n’est pas raciste car sa famille a défendu l’Algérie française et que ça c’est universaliste mais qu’en même temps les indigénistes ils sont chiants à faire passer l’universalisme pour un truc colonial.
“Je suis issue d’une famille politique qui a défendu l’Algérie française, c’était bien la démonstration qu’on ne croyait pas que la Nation française s’arrêtait forcément à une vision ethnique de la France !”
Je précise que oui je sais que les indigénistes disent de la merde quant à l’universalisme et la colonisation, mais là elle confirme juste bêtement leur discours.
Le Rassemblement National et a fortiori la ligne qui gravite autour de Marion Maréchal – rappelons qu’elle n’est plus au RN mais y exerce encore une forte influence – est une ligne politique bourgeoise, libérale et antipatriotique. Antipatriotique car à part des symboles, il n’y a pas grand-chose de patriote chez Marion Maréchal. Chez le RN n’y a pas de critique des États-Unis qui phagocytent nos entreprises comme Alstom. Quand Marion critique les positions des États-Unis, ce n’est que pour soutenir la politique impérialiste de Vladimir Poutine. Marine, elle, voulait se ranger derrière Donald Trump. Le Donald Trump qui a forcé la France à fermer ses entreprises en Iran. Comme expliqué dans ce thread, le RN c’est aussi un parti qui ne veut plus sortir de l’euro et de l’Union Européenne depuis 2017. Le RN, c’est un parti qui s’est abstenu Le RN, c’est un parti qui n’assume toujours pas son passé collaborationniste et antigaulliste et qui n’assume que timidement son ultralibéralisme des années 80. Le Rassemblement National, c’est du macronisme avec plus de drapeaux français. C’est le peuple non plus au service de la bourgeoisie mondialisée, mais au service d’une bourgeoisie occidentale traditionaliste. Ce parti n’est pas à la hauteur de cette « certaine idée de la France », et nous méritons mieux que ça. Ainsi, je n’ai jamais voté et ne voterai jamais Rassemblement National.