Introduction

Sur internet, plusieurs sites et comptes Twitter mettent en avant des comparaisons au sujet de l’art souvent d’une façon surprenante. Ce sont des comptes Twitter anglophones pour la plupart et usant ou abusant de Photoshop. Il n’y a jamais beaucoup de texte mais seulement un petit commentaire sur l’origine du lieu ou le lieu d’exposition du tableau ou une question rhétorique.

Ces comptes mettent en avant le fameux « art classique » en comparaison avec un « art contemporain » qui est, à leurs yeux, un art qui n’en est plus un (on pourrait reprendre la formule nazie d’un « art dégénéré»). Parfois ces comparaisons sont plus qu’inadéquates ! Un malaise s’en dégage souvent.

Qu’est-ce qui est pour eux l’art classique? Cela pourrait correspondre à un « âge d’or » académique issu de l’Antiquité repris jusqu’à nos jours de différentes manières. Cet art se retrouverait aussi bien de la monarchie du Moyen Âge aux régimes totalitaires, voire aux formes artistiques plus contemporaines (voir les constructions de Kaufman and Broad pour les cadres en banlieue parisienne, les constructions néobaroques des Qatari ou les cafés rénovés par Starsbucks, mais aussi les créations de l’heroic-fantasy).

Cela pose une interrogation essentielle à mes yeux: est-ce qu’un art « classique » existe?

Il faut revenir au début du Grand Siècle pour comprendre sa création et ses enjeux.

Nicolas Poussin à Paris

Au début du XVIIe siècle, Richelieu voulait accueillir des artistes à Paris pour faire de la capitale une nouvelle Rome. En premier lieu, il envoya Paul Fréart de Chantelou proposer à Nicolas Poussin de revenir à Paris. Ce dernier fut nommé peintre du roi et vint travailler à Paris. Originaire de Normandie, le peintre était vu comme le plus grand maître de l’École italienne romaine. Dans un premier temps, il refusa l’offre du surintendant François Sublet de Noyers, puis fini par céder: le peintre s’installa dans la capitale entre 1640 et 1642. Mais, habitué au tableau de chevalet, il vint avec de fausses promesses puisque le roi lui assura de ne pas lui faire peindre de grands décors et des plafonds.

Se tournant vers Poussin, le roi et son ministre avait toujours en tête de faire venir Paul de Cortonne, le peintre du pape, mais ce dernier refusa à chaque fois. Louis XIII accueillit le peintre à Saint-Germain-en-Laye en disant: « Voilà Vouet bien attrapé ! ». Ce dernier dominait alors l’Ecole française par son style appelé “atticisme”.

Le roi montra par ces mots qu’il ne faisait plus confiance à Simon Vouet qui faisait traîner les chantiers, notamment celui du Louvre qui fut dorénavant confié à Poussin, mais surtout que Vouet n’était plus seul à diriger les chantiers royaux.

Habitué à la solitude, Nicolas Poussin arriva sur des chantiers aux délais déterminés par le ministre et le roi. Pressé sans arrêt, il écrivit qu’il n’était jamais satisfait des travaux de la galerie du Louvre parce qu’il « ne trouve personne qui seconde un peu [sa] pensée ». En 1642, le chantier n’était même pas achevé à la moitié. Le ministre mécontent rêvait vraiment de le faire seconder par Pierre de Cortone!

Arrivé dans une impasse artistique et politique, Nicolas Poussin repartit à Rome en septembre 1642. On peut s’interroger sur cette venue et ce départ précipité. Il faut d’abord y voir une incompréhension entre les Français et le peintre. Habitué aux grands décors, le roi voulait qu’il reproduise les modèles des galeries aux plafonds peints de Fontainebleau. Or, pour Poussin le mur devait primer sur la voûte car il pense le décor comme un tableau. Incapable de s’accommoder avec les instances royales, il ne continuera pas les œuvres entreprises pour la monarchie. Le décor commencé fut détruit dès le règne suivant.

Conclusion

Mais cet échec ne remet pas en cause l’art de Poussin. Grand connaisseur de la religion et des textes antiques, le peintre est un « classique », ce qui montre bien que cet art « classique » n’est pas un tout n’ayant pas connu des débats et des contradictions en son sein. Est-ce que Poussin est plus « classique » que Simon Vouet ? Les spécialistes de l’art autoproclamés ne voient aucune différence car ils font avant tout de la politique pour attardé  (voir le lien avec le virilisme dans un autre article de Charles!)

Ainsi pour eux l’art « classique » de Michel-Ange à Garnier ne fait qu’un et représente l’art occidental.

Mais revenons à la peinture de Simon Vouet par rapport à celle de Nicolas Poussin. Pouvez-vous y voir des différences ? Il n’y a des différences que si l’on parle d’art et que l’on cherche à comprendre ce qu’ils partagent et ce qui les oppose sans chercher à déceler une quelconque beauté picturale qui n’est jamais essentielle pour une étude historique (la beauté est un débat philosophique, je reviendrai sur ce sujet).

Ces comptes Twitter ne parlent jamais d’art puisqu’ils sont incapables de voir la différence entre deux courants « classiques » qui s’opposent ! Ils mêlent tous les styles, tous les arts, toutes les techniques qui sont pour eux la « vraie beauté ».

Or, Poussin ne fut pas retenu par l’Académie de peinture de Paris comme patron. Ce qui voudrait dire qu’il n’entrait pas dans les canons académiques proposés. Mais cela n’en fait pas pour autant un renégat de la peinture « classique » !

Je vous laisse juger avec les deux tableaux pour trouver ce qui est « classique » et ce qui ne l’est pas. Et même d’essayer de trouver celui de Poussin et celui de Vouet…

(à suivre)

Auteur/Autrice

À propos de l’auteur

Docteur en histoire de l'art.

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