Une fois n’est pas coutume, je vais écrire sur un sujet qui passionne mes confères en général. Mais je vais quand même parler de jeu de rôle, votre Saint Patron en étant fan. Je vais parler du RACISME de Donjons et Dragons.
En effet, le jeu de rôle créé par Gary Gygax (1938-2008) est parfois pris pour cible par les chasseurs de racisme, et plus particulièrement, pour reprendre des mécaniques racistes dans son univers médiéval-fantastique. On retrouve une bonne partie des arguments en faveur de cette thèse sur ce post reddit de 2009.
https://www.reddit.com/r/DnD/comments/gz8zlu/racism_in_dd/
Les Influences :
Il est reproché l’influence de H.P. Lovecraft (1890-1937) et d’autres auteurs fantastiques du début du XXe siècle, et ce à cause du racisme de ces récits. Mais l’influence est très relative, et se trouve surtout dans certaines catégories de monstres, notamment les flagelleurs mentaux.
De plus, une influence n’est jamais totale, et il est toujours possible de faire un tri dans une œuvre littéraire qui nous inspire entre ce qui est à conserver et ce qu’il faut éviter.
Civilisation contre vie sauvage :
Il est reproché un parallélisme entre le fait qu’il y ait des peuples plus ou moins civilisés et les histoires de colonisation. Sauf qu’il n’est jamais montré que les races civilisées sont meilleures que les races sauvages. En effet, si les elfes sont généralement de nature bonne, les elfes noirs (aussi appelés drows) sont des elfes civilisés généralement mauvais. Autre exemple, les yuan-ti, des hommes-serpents, sont une civilisation clairement mauvaise. De même, on a de tout dans les races moins civilisés : les orcs tendent vers le mal et le chaos, tandis que d’autres, comme les tabaxi (hommes-félins), auront tendances à être bons.
Et cette diversité de comportement est assez normale, en fait. Parce que les autres races ne sont pas des humains, justement. Et donc on peut facilement imaginer que le comportement général varie entre les races. Dans la vraie vie, un humain ne se comporte pas de la même manière qu’un rhinocéros, donc dans un jeu de rôle, un humain et un orc n’agissent pas de la même façon.
Parlons-en, d’ailleurs, des orcs. Cette race est souvent donnée en exemple. Cet article de comic book, plus récent, dénonce le malus d’intelligence des orcs (que Wizards of the Coast a retiré récemment), et refuse que des individus soient considérés comme moins intelligents simplement à cause de leur race.
https://comicbook.com/gaming/news/dungeons-and-dragons-orcs-racist/
Pour l’auteur de cet article, il est reproché d’appliquer des stéréotypes raciaux, comme pour des personnes de couleur de peau différente. Sauf que ce parallèle est biaisé. Dans la vraie vie, on parle de dénigrer des gens de la même espèce que nous, avec des couleurs de peaux différentes, et des comportements qui varient en fonction de la civilisation, car la civilisation humaine n’est pas homogène, et s’adapte entre autres à l’environnement, et est le fruit d’une évolution. Dans le jeu de rôle, on parle de races différentes, biologiquement différentes, et donc avec un changement de comportement entre ces races, surtout que certaines sont la création d’êtres divins, conçus donc pour avoir une fonction et un état d’esprit bien précis. Ainsi, si les gnolls sont fondamentalement mauvais, c’est parce qu’ils ont été créés par un prince-démon.
Le problème donc de faire ce parallèle est de dire que le JdR veut retranscrire la réalité dans un monde alternatif. Mais non, il ne s’agit pas de dire que la civilisation européenne, c’est les races civilisées (humains, elfes et nains), et les gens « de couleur » sont les races barbares et hostiles. Les humains sont présentés comme la race la plus diversifiée (ce qui correspond bien à notre réalité) et qui cohabite avec d’autres espèces, parfois civilisées, parfois non.
Les Conventions :
Un autre reproche fréquent consiste à dire que les personnages des joueurs (PJ) sont blancs par défaut, et qu’il faudrait spécifier les PJ « de couleur ». Mais le type l’explique lui-même : le monde est majoritairement médiéval et occidental. Vu que les civilisations médiévales sont très peu métissées, il est normal que, dans la plupart des cas, le personnage soit blanc, et qu’il faille expliquer pourquoi des gens d’autres pays seraient venus là où se déroule l’histoire. Cependant, rien n’interdit de jouer dans des lieux inspirés de l’Afrique ou de l’Asie. Pour cet aspect, tout est de la responsabilité du maître du jeu et des joueurs.
Le Mot même de « race » :
Le bon point est de dire que la race désigne des êtres biologiquement et génétiquement distincts (ce qui explique donc des différences globales de comportement comme dit plus haut, bien que n’empêchant pas une reproduction entre certains pour faire des demi-elfes, ou des demi-orques). Par contre, dire que la race dans la vraie vie désigne la culture de différentes couleurs de peaux, c’est de la merde. Moi, homme blanc parisien, je n’ai pas la même culture qu’un Américain ou un Russe. Je ne pense pas qu’un Malgache ait la même culture qu’un Congolais. Et un Chinois n’a pas la même culture qu’un Japonais.
Pour conclure, j’aimerais revenir sur l’errata de WotC paru cet été qui retire certains malus raciaux de caractéristiques, notamment pour les orcs (pour ceux qui veulent un peu de contexte: en 2009, la 4e édition de Advanced était sortie l’année passée, l’édition actuelle, la 5e, est sortie en 2014; le Guide des monstres de Volo, permettant de jouer entre autres des orcs sur la 5e édition, est sorti en 2016, et l’errata date de cette année 2020).
Au début, je pensais que c’était normal pour l’équilibrage, et surtout pour les kobolds, déjà pas gâtés par la nature. Alors certes, il y a clairement un peu de gauchisme dans cette correction, il serait de mauvaise foi de le nier (comme l’a fait votre serviteur à la sortie de cet errata). Cependant, ces races deviennent pour le coup plus jouables, vu que les règles le permettent mieux. La création de personnages permet toujours de laisser des malus à ces races, et donc de jouer des orcs classiques, mais aussi d’en jouer des plus originaux, justement car ils sont plus forts ou plus futés, pouvant donc être plus intéressants si ce sont des cas à part au sein de leur race. Car il ne faut pas oublier que dans D&D, vous ne jouez pas des gens normaux, mais bien des cas à part, qui se démarquent des autres, qui ont un truc en plus, par rapport au plus grand nombre, que vous allez exploiter pour devenir une figure emblématique de votre monde.
Et surtout, n’oubliez pas que les règles du JdR, ce sont les vôtres. Le monde, c’est le vôtre. Donc libre à vous, chers collègues maîtres du jeu, d’adapter les règles et l’univers pour faire rêver vos joueurs. N’oubliez pas que le JdR reste un jeu, donc déconnectez la partie politique de votre cerveau quand vous jouez, et amusez-vous.