Cette année aura remis en lumière un adage que toute personne ayant bercé dans un milieu de gauche connaît et qui a aujourd’hui, selon moi, plus de sens que jamais : « Le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’ont rien. » Sous-entendu: la force de notre pays repose dans sa capacité à offrir à tous, peu importe leurs conditions de naissance, un filet de sécurité. Filet de sécurité qui cette année aura repris tout son sens. La grandeur et la force de notre pays repose sur cette incroyable invention et solidarité humaine. L’idée géniale de mettre en commun les moyens de se protéger des risques qui nous touchent tous : la vieillesse, la maladie, le chômage et l’insécurité.

Durant cette année, c’est ce patrimoine commun qui s’est retrouvé en ligne de mire et qu’on a tenté de nous spolier… Soignants pris dans l’engrenage du Covid et de l’horreur des techniques de management mercantiles appliqué aux soins. Applaudissement à 20h, revalorisation merdique des salaires et la fermeture des lits de réanimation continue. Réforme des retraites et cadeaux offerts aux assureurs et aux asset managers en détruisant notre système par répartition pour favoriser un modèle par capitalisation. Annonce de la volonté de réformer le chômage alors que sans celui-ci beaucoup d’entre nous crèveraient la dalle. Profs lâchés par leurs administrations et morts pour avoir été les premiers au front de l’obscurantisme ambiant. Tristesse feinte, minute de silence et larmes de crocodile, mais pas de vague, le niveau s’effondre, mais circulez, y’a rien à voir. Flics utilisés comme matraque à la grogne sociale mais toujours tellement mal considérés que pour recruter, on applique la même stratégie que pour les enseignants du primaire dans les académies paupérisées. Il faut des bras, pas des cerveaux, c’est vrai quoi, quel intérêt à mettre de la qualité dans ceux qui sont confrontés à la lie de cette société libérale au quotidien.

Bref, j’arrête là ma liste à la Prévert.

Vous l’aurez compris, nos technocrates nationaux guidés par les technocrates bruxellois ont clairement décidé que le chacun-pour-soi devait devenir la norme et qu’on irait dans cette voie de gré ou de force. Les petites mains des exploités ont beau avoir fait tenir le pays pendant ce merdier qu’a été 2020, le plan est resté le même : continuer à leur faire bouffer des tartines de misère en 2021 puis s’ériger en rempart contre la haine en 2022 et continuer ce jeu ignoble pour cinq ans. Alors pour cette année, plutôt que de vous souhaiter mollement le triptyque éculé du « bonheur, santé, prospérité », je vais vous souhaiter de la rage.

Oui.

De la rage.

Mais pas n’importe laquelle. Non pas celle sourde et aveugle qui se dirige aléatoirement sur le premier venu, qui tombe généralement sur le dernier arrivé ou sur le voisin d’à côté. Mais celle qui, mûrement réfléchie dans le recoin de la paupérisation de masse et de la misère ambiante, a compris que les élites de notre médiocratie étaient bien décidées à nous confisquer notre droit à décider par et pour nous-mêmes. Je vous souhaite de vous nourrir de cette rage et de continuer à la nourrir. D’en faire une force qui vous incite à vous armer intellectuellement et politiquement pour le combat qui a déjà commencé.

Notre ennemi ?

On ne le connait que trop bien : c’est ce système du tous contre tous, cette société des luttes intestines pour remporter les miettes que daignent nous jeter les grands gagnants de la mondialisation. Le bonheur, la santé et la prospérité ne doivent pas rester des vœux pieux, des rêves lointains. Ils sont accessibles et ne demandent qu’à être conquis, mais pour ça, il va nous falloir de la rage. La rage qui fait lutter contre la bêtise institutionnalisée, l’injustice érigée en norme et le libéralisme comme seul horizon politique. Celle qui a fait la grandeur de notre Histoire.

Alors je nous souhaite à tous beaucoup de rage pour 2021.

Je nous souhaite de la diriger vers ceux qui nous infantilisent et nous méprisent.

Je nous souhaite de la mettre en commun.

Si 2020 était une année de merde, gardez à l’esprit que la merde fait un excellent engrais.

Signé : Oscar La France, ou Rhéda Le Rageux.

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1 commentaire

  1. La rage je ne la sens pas beaucoup dans mon milieu « français moyen retraité » mais la lassitude et la fatalité oui. Comme si plus rien ne pouvait changer quoi que ce soit. Nous avons épuisés toutes les formes d’opposition connues, elles ont été ignorées, maltraitées, disqualifiées, délégitimées, combattues. Il ne reste plus que la force d’opposition de la jeunesse, aujourd’hui acculée dans ses derniers retranchements par la crise. qui parallèlement est une opportunité inespérée pour renforcer le néolibéralisme et ses ravages dans la société.

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